"Adieux à Sou Wou", Li Ling
Adieux à Sou Wou
I
Les jours heureux jamais ne reviendront ;
Dans un instant nous serons séparés.
Près du carrefour, troublés et tremblants,
Main dans la main, nous tardons dans la steppe.
Vois là-haut : légers courent les nuages ;
Soudain, voici que l'un dépasse l'autre.
D'un souffle de vent tous sont balayés ;
Chacun va se perdre dans un angle du ciel.
Il faut, pour toujours, ici nous quitter ;
Du moins, demeure encore un court instant...
Puissé-je au vent du matin m'envoler !
Que mon corps toujours reste près du tien !
II
Nous montons vers le pont, nos deux mains enlacées :
Voyageur en partance, où seras-tu ce soir ?
Sur les bords du sentier, nos pas sont hésitants,
Trop tristes, trop tristes pour pouvoir nous quitter.
Hélas ! celui qui part ne peut tarder longtemps ;
Chacun promet à l'autre un souvenir fidèle.
Peut-être passons-nous de la lumière à l'ombre :
Pleine lune et croissant, chacun vient à son heure.
Courage ! Portons haut l'éclat de nos vertus !
C'est dans les cheveux blancs que je mets mon espoir...
III
Jours précieux, que nous ne verrons plus !
Trois ans, pour moi, vont durer mille automnes.
De mon bonnet lavant la bride au fleuve,
Je penserai bien tristement à toi...
Les yeux au loin, d'où monte un vent lugubre,
J'ai là ce vin, mais n'ose emplir ta coupe.
Celui qui part, ne songe qu'au départ ;
Que pourrais-tu pour calmer mon chagrin ?
Je m'en remets aux suprêmes rasades,
Pour nous lier d'un éternel lien.